Vendredi 3 mars 2022
Depuis plus de 4 ans que je réalise mes Dodécaudax, j'ai parfois rendu hommage à des coureurs cyclistes depuis longtemps disparus : René Pottier , Lucien Pothier ou Jean Noretpar exemple.
En consultant mes vieilles revues cyclistes, j'ai été frappé par le nombre d'entreprises françaises qui ont oeuvré dans le domaine cycliste : fabricants de vélos bien sûr, fabricants de composants, de pneumatiques, d'accessoires, de vêtements... La plupart aujourd'hui n'existe plus, accompagnant le déclin de l'industrie française. Que de marques disparues durant les 50 ou 60 dernières années !
Cet encart publicitaire paru dans le Miroir du cyclisme d'avril 1986 m'a donné l'idée de cette randonnée. 200 bornes pour rendre hommage à cette fameuse marque de boyaux, je devrais pouvoir y arriver.
J'ai l'adresse : en route vers le 17 rue de Villeneuve à Soissons, donc !
Pour préparer cette sortie, j'ai fait quelques recherches dans mes archives et sur internet. C'est ainsi que j'ai découvert l'existence de ce "Tour de France des Indépendants", couru en 1910, organisé par les entreprises Peugeot et Wolber. 14 étapes, une tous les deux ou trois jours. 536 partants.La première étape menait les coureurs de Paris à Reims en passant par Soissons et Vailly sur Aisne où se trouvait l'usine Wolber à cette époque.
J'ai ainsi une partie de mon Dodecaudax tout tracé.
Je pars donc vers La Ferté Milon en passant par Marigny en Orxois, parcours connu...
J'arrive maintenant sur le parcours de la première étape du Tour de France des indépendants.
Le départ avait été donné le 7 août 1910 au matin pour une course de 198 kilomètres.
Retour vers le passé...
Le 20 juin 1910, le journal L'AUTO (organisateur du "vrai" Tour de France) annonce sur une pleine page la création du Tour de France des Indépendants organisé par les entreprises Peugeot, fabricant de bicyclettes, et Wolber, fabricant de pneumatiques.
La liste des prix est suffisamment alléchante pour attirer de nombreux concurrents.
Les étapes sont au nombre de 14. Début juillet, Le quotidien sportif publie le parcours détaillé des étapes.
Le 4 juillet, les six premières étapes sont dévoilées. Il y avait alors plus de 200 coureurs engagés !
Quatre jours plus tard les huit étapes suivantes sont présentées et il y a 50 cyclistes de plus qui ont fait parvenir leur engagement.
Le bulletin d'engagement joint fut compléter par des cyclistes venant de la France entière. Chaque jour, ou presque, L'AUTO donnera les noms des coureurs ayant fait acte de candidature. Ils seront ainsi plus de 600 à faire acte de candidature !
Le règlement de la course est aussi publié. On remarquera l'article 2, écrit en caractère gras, qui stipule : "Les coureurs pilotant une bicyclette d'une marque ayant pris part dans la catégorie des coureurs groupés au Tour de France organisé par le journal L'AUTO, ne pourront participer à cette épreuve."
Article qui exclut de fait les AS ayant participé au Tour de France 1910, ainsi les marques Alcyon, Legnano et Le Globe. sont exclus de ce deuxième Tour de France de l'année 1910 On peut penser que la firme Peugeot souhaite de ce fait éliminer la concurrence des autres grands fabricants de vélos. C'est aussi une façon de mettre sur pied un Tour de France des espoirs, une sorte de Tour de l'Avenir avant la lettre.
Le 11 août 1910, l'hebdomadaire "L'écho des sports" publie sous la plume d'un certain KORIKO (sic), un article quelque peu ironique sur la grande randonnée qui doit s'élancer quelques jours plus tard.
"La maison Peugeot a trouvé un moyen pour distraire sa nombreuse clientèle. Ne faisant plus partie du sport militant, depuis qu’elle a renoncé aux lauriers de la piste et de la route, elle a decidé de porter ses efforts d’un autre côté. Elle veut faire connaître la France aux jeunes gens dépourvus de fortune mais pouvant disposer de quelques semaines de vacances.
Elle leur demande de faire tous les deux jours une étape entre 120 et 190 KM. Si ces jeunes gens accomplissent cette performance, il leur sera accordé, en plus de leur frais de nourriture, la somme de 7F50par jour ( 1dollar 50 pour les Américains).
On fait cependant aux voyageurs cette légère prohibition : il leur est interdit de se servir de machines portant les marques Alcyon, Le Globe ou Legnano. Alibert juge en effet que ces maisons se sont suffisamment couvertes de gloire dans le Tour de France qui vient de se terminer et il veut que s’il reste encore un peu de lauriers à cueillir dans notre beau pays de France, ce peu de lauriers aillent aux maisons qui n’ont pu se distinguer dans la grande randonnée de L’AUTO. C’est donc une sorte de consolation du premier Tour de France. Pour ces motifs, l’épreuve qui commence dimanche mérite d’être encouragée et L’ECHO DES SPORTS, toujours ouvert aux grandes idées, ne faillira pas à sa tâche.
Le règlement beaucoup plus libéral que celui du Tour de France (Professionnels) devait fatalement sourire à beaucoup plus de concurrents. Les listes de Peugeot annoncent plus de 600 engagés. Alibert ne s’attendait pas à pareille avalanche. C’est un succès, il faut le reconnaître. Mais il y a tout de même des succès qui finissent par embêter et celui-là en est un.
Calculez les frais que cette troupe en marche représente. On a beau avoir les reins solides, il est permis de faire un peu la grimace si l’on songe que 300 routiers peuvent très bien accomplir le “Tour” nouveau dans les délais qui leur sont accordés. Le Tour de France qui commence dimanche rappelle à peu de chose près le premier Tour de France de Desgranges que nous avions baptisé “Tour d’Auvergne”.
Néanmoins les étapes sont au nombre de 14 (…)
Nous avons dit que les participants seraient nourris par les organisateurs En prévision de cela, l’état major de Peugeot a passé de véritables marchés pour le ravitaillement de cette colonie de vacances. Par l’organe de L’AUTO et sous la signature de Ravaud – toujours lui – Alibert nous a donnés quelques chiffres. Il a acheté 12000 demi bouteilles vide ; 50 kilos de thé ; 2400 paquets de chocolat ; 3000 bouteilles de limonade ; 100 kilos de cafés ; 2000 oeufs ; 100 kilos de beurre ; 200 kilos de chocolat en tablettes ; 300 kilos de sucre en morceaux.
Ne croyez-vous pas qu’au bout d’un mois le beurre sera un peu rance ?
L’arrivée sera peut-être difficile à juger au but des premières étapes. Il est permis en effet d’escompter des pelotons de 20 ou 30 coureurs arrivant d’un seul coup. Cette éventualité n’effraie pas les organisateurs qui sont decidé à être très larges aussi bien dans leurs decisions sportives que dans la note à payer.
Et ce n’est pas peu dire !"
Enfin, le Dimanche 7 août 1910, le premier Tour de France des Indépendants partit de Paris où les concurrents furent contrôlés par les organisateurs, avant que le départ réel ne fût donné depuis la côte de Champigny pour une première étape dont l'arrivée fut jugée à Reims. Et la foule était au rendez-vous , dans son édition du lundi 8 août, L'AUTO parle d'une "procession triomphale" !
(A SUIVRE...)
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