Mardi 8 février 2022
Après un faux départ - j'ai oublié d'enfiler ma deuxième paire de chaussettes et de prendre mon casque équipé d'éclairage, j'ai donc été contraint de faire demi-tour - je prends la direction du département de la Marne. Hélas, après quelques kilomètres, je me rends compte que j'ai aussi oublié mon bidon. Pas question de revenir une nouvelle fois à la maison ! Alors je fais un petit détour par Condé en Brie (Département de l'Aisne) où je suis certain de trouver à m'acheter à boire à la supérette du village.
Et c'est ainsi que le porte-bidon de mon vélo se trouve chargé d'une bouteille de Coca-cola. Ce n'est pas la boisson que je préfère mais c'est la seule que je peux glisser dans ledit porte-bidon, ma sacoche est pleine de mon ravitaillement, de matériel de réparation et d'une tenue de pluie.
J'arrive enfin dans le département de la Marne en suivant la vallée du Surmelin.
Passant par Montmort Lucy, j'enfile mon vêtement de pluie car un petit crachin se met à tomber. A l'approche du vignoble de Champagne le brouillard fait son apparition et j'allume mon feu arrière clignotant : on n'est jamais trop prudent.
LaPie 1 - Le vignoble champenois - Oger (51) |
A Oger, je rejoins le vignoble de la côte des Blancs, premier point de repère de mon itinéraire.
Miroir du cyclisme N° 459 de septembre 1992 - Poster |
Et j'avoue que, si mon copain avait été ravi du résultat, c'était un supporter de celui qu'on surnommait "Lucho", le dénouement de la course m'avait passablement... énervé !
Miroir du cyclisme N° 460 d'octobre 1992 |
Pour relater le déroulement de cette course, Vélo magazine d'août 1992 titrait :
"Leblanc, discorde autour d'un maillot"
Reprenons le compte-rendu de Guy Roger :
"... A la cloche, Rué possède 52 secondes d'avance, plus que 35 au moment d'aborder la dernière côte. Là où précisément Luc Leblanc a choisi de tenter son va-tout insensé ? Une tactique osée en tout cas, car si Leblanc échoue, il peut ramener très près tous les autres. Et alors..."
Après la course :
" (...) Sur le moment, on en est sûr maintenant, Luc Leblanc n'a pas bien réalisé tout ce qui venait de se passer. La portée de son geste, encore moins les conséquences de son titre, les frustrations qu'elles ont fait naître dans la tête de certains de ses camarades. Pendant que des larmes de bonheur inondent ses joues, pendant que Luc veut serrer sa mère dans ses bras, qu'il sait tout près dans la foule, Gérard Rué s'est éloigné pour dissimuler son immense chagrin. En larmes bien sûr. Le Breton est amer, profondément déçu et il se sent trahi. Il le confiera à Bernard Quilfen, son directeur sportif. "Mais pourquoi, supplie-t-il ? Pourquoi ? Je n'ai jamais rien fait de pareil à personne, moi..." Et il pleure.(...)
J'avais moi aussi un sentiment d'injustice pour le pauvre Gérard Rué, même si le Breton ne prit que la septième place, mais qui sait ce qu'il serait advenu si Leblanc n'avait pas attaqué ?
Peut-être Luc Leblanc n'aurait-il pas raté le Tour de France qui suivit : il fut éliminé lors de la quatorzième étape. Quant à Rué, il termina quinzième du Tour 1992.
Miroir du cyclisme N° 460 d'octobre 1992 |
Cet incident eut en tout cas une conséquence sur la carrière du coureur breton qui annonçait son départ de l'équipe Castorama dans un longue interview au journaliste Etienne Parent dans le Miroir du cyclisme d'octobre 1992. Et il n'est pas tendre pour son directeur sportif Cyrille Guimard :
Miroir du cyclisme N° 460 d'octobre 1992 |
Miroir du cyclisme N° 460 d'octobre 1992 |
Miroir du cyclisme N° 460 d'octobre 1992 |
Miroir du cyclisme N° 460 d'octobre 1992 |
Luc Leblanc quant à lui, devint champion du monde en 1994 ! Il remporta aussi 2 étapes du Tour de France en 1994 & 1996.
Mais Gérard Rué n'a pas oublié... Le 28 juin 2021, 29 ans après ce championnat de France 1992, il déclare dans OUEST FRANCE à propos de Leblanc :
« Juste avant le Tour, il m’avait planté un couteau dans le dos aux championnats de France. J’étais échappé seul et je pouvais viser le maillot quand il a attaqué derrière, alors qu’on était de la même équipe. Je ne lui ai jamais reparlé depuis… »
Pour ma part, je roule sur la route touristique du Champagne d'Oger à Epernay. Plus de brume ni de crachin, c'est un temps presque printanier qui m'accueille pour remonter la fameuse Avenue de Champagne à Epernay : l'avenue la plus riche du monde, paraît-il !
LaPie 2 - La Marne en aval d'Epernay - Damery (51) |
60 ans après cette prise de vue, je dois rouler sur le chemin que l'on devine sur la rive droite de la Marne, avançant vers l'ouest. Je suis sur le retour et je sais déjà que je rentrerai la nuit tombée.
A Chatillon/Marne, j'aperçois encore une fois la statue du pape qui semble toujours bénir la vallée.
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