Encore un vélo !

Voici un petit billet qui était "dans la boîte" depuis quelques semaines, j'ai enfin pris le temps de le terminer.

Nous traversions sur le tandem le village de La Trétoire. C'était le 8 avril et nous étions un peu sorti de notre bocal de 10 kilomètres. Beaucoup de villageois avaient entassé sur le bord de la route tout un fatras qui devait partir à la déchetterie : jouets cassés, meubles en aggloméré tout déglingués, ferrailles diverses et variées... Et, appuyé à un mur, guidon et selle posés au sol, il y avait ce vélo. Bien sûr, nous nous sommes arrêtés. Je l'ai remis sur ses roues. 

Il était entier, en mauvais état, mais on pouvait en tirer quelque chose. Rien que les pièces détachées, ça valait le coup : 

Freins MAFAC A TIRAGE CENTRAL

Dérailleurs HURET

Ce n'était pas très propre tout ça... mais ça devait encore fonctionner.

Guidon et cintre PIVO

Un bon vélo demi-course comme on en faisait dans les années 60... Je l'aurais bien ramené à la maison tout de suite !

- Tu n'as pas assez de vélos ? Et comment tu vas faire pour le ramener à la maison ?

Je m'attendais à ces remarques mais nous entendîmes des voix dans le jardin derrière la haie.

- Pardon, vous le jetez ce vélo ?

- Attendez, j'appelle mon mari.

Un monsieur un peu plus âgé que moi ouvrit le portail.

- Bonjour, vous le jetez ce vélo ?

- Bonjour. Oui, c'est le vélo que mon père m'avait offert il y a plus de 50 ans. Il m'encombre et je m'en débarrasse. Vous le voulez ?

- Bien sûr, ça m'intéresse. Je crois que je peux le remettre en état.

- Il est vieux et le pédalier est cassé.

- Je dois avoir ce qu'il faut pour le réparer. Mais si je le laisse comme ça sur le bord de la route, quelqu'un risque de l'embarquer avant que je revienne. Je peux le laisser dans votre jardin et je viens le récupérer en voiture d'ici une heure ou deux ?

- Il n'y a aucun problème, laissez-le derrière le portail.

Et puis nous parlâmes un peu de vélo. Des courses qu'il faisait avec ce beau vélo Peugeot quand il était gamin. De ma collection de vieux vélos. De ses visites au café de Sylvère Maes en Belgique : Sylvère Maes, vainqueur des Tour de France 1936 & 1939 était l'oncle d'un de ses cousins. Ce café avait pour nom "Au Tourmalet".

 Nous sommes rentrés tranquillement en tandem à la maison et je suis revenu en voiture récupérer le vélo Peugeot. Pour remercier son propriétaire, je lui ai offert deux vieux numéros de "Match l'Intran" qui avaient en une la photo de Maes.

Rapidement j'ai remis en état cette machine.

Après un premier nettoyage, il était déjà un peu plus présentable.

La clavette du pédalier, côté plateaux, était cassée mais cela ne devrait pas poser de problème : impossible simplement de démonter. Si un jour c'est nécessaire, il faudra y aller à la scie à métaux ou à la disqueuse.

Le lion Peugeot ne rugissait plus guère mais après avoir tout démonté, sauf le pédalier donc, j'ai nettoyé chaque pièce. Il était dans un bel état de saleté mais tout fonctionnait comme je le prévoyais. Je l'ai remonté en conservant les pièces d'origine.

 Les dérailleurs sont comme neufs.

Dérailleur arrière Huret Svelto.

Le dérailleur avant aussi a pris une nouvelle jeunesse

Et que dire de ces belles manettes de changement de vitesse

J'ai retrouvé dans un numéro de Miroir du cyclisme de 1963 cette publicité pour ce modèle de dérailleur. C'est bien un vélo PEUGEOT des années 1960 que je possède maintenant.

A cette époque encore et jusqu'à la fin des années 70, on pouvait acheter un vélo entièrement "Made in France", jusqu'au dernier boulon...

Miroir du Cyclisme N° 58 de mai 1965

Il en fut ainsi de la marque HURET, longtemps spécialisée dans les écrous papillon de roues, les dérailleurs et les compteurs kilométriques.

Jusqu'aux années 80, elle produisit quantité d'accessoires pour les vélos avant d'être absorbée par l'allemand Sachs, ce qui donna un temps des produits Sachs-Huret, puis la marque Huret disparut. Sachs fut à son tour repris à la fin des années 90 par l'américain SRAM.

Il nous reste encore beaucoup de matériel Huret sur de vieux vélos et les belles publicités qui étaient publiées dans les magazines de cycles.

Miroir du cyclisme N° 155 de mai 1972

Miroir du cyclisme N° 156 de juin 1972

Toute une époque, n'est-ce pas ?

Les freins aussi ont retrouvé belle allure.

Le frein avant après nettoyage

Le frein arrière itou

Pour les freins aussi, j'ai trouvé une publicité de 1963.

Celle-ci, datant de 1975 est plus explicite. Dans ces années 60-70, le frein MAFAC (Manufacture Avernoise de Freins et Accessoires pour Cycles), c'était le top. 

Et puis Campagnolo et Shimano sont arrivés avec leurs groupes complets, il fut alors de bon ton d'avoir un vélo "Tout campa" ou "Tout Shimano" balayant des marques françaises qui ne surent pas s'adapter, surtout que la qualité était au rendez-vous chez Campagnolo et Shimano, ce qui ne fut pas toujours le cas des fabricants français...

J'ai donc conservé les leviers de frein mais aussi les cocottes d'origine même si elles sont un peu abimées par le temps.

Les "merveilleux repose-mains Mafac" selon cette pub de 1949 ( Miroir sprint du 20 juillet)

J'ai changé la selle, installant ma selle BROOKS qui avait pris la pluie lors de mon "Tour de Foot" en 2014 et qui était toute déformée. C'était l'occasion de la remettre en forme : trempez-la 2 heures dans l'eau chaude, sanglez-la avec des courroies de cale-pieds durant 2 jours et elle a retrouvé une forme un peu plus académique.

 

J'ai même ajouté une petite trousse à outils sous la selle.

Le porte-bidon que j'ai monté date aussi de ces années 60. J'ai aussi installé de vieux garde-boue et, si j'ai conservé la roue arrière à blocage rapide ( il faudra quand même changer le pneu), j'ai remplacé la roue avant par cette roue à papillons.

Bien sûr, la guidoline, les câbles et les gaines sont neufs. Ce sont les seuls frais que j'ai engagé pour cette rénovation : 15€ environ pour un nouveau vélo, pas mal, non ?

Et il roule bien sûr : à ce jour, il a déjà parcouru plus de 600 kilomètres sur les routes entre Brie et Champagne !

Miroir du Cyclisme N° 267 de juin 1979

Il ne manque plus à ce vélo qu'un compteur Multito-Huret.