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Mon 200 du mois de mars 2021 : Partir au LOING

" Les plus belles années de ma vie, je les ai passées à jouer de la bicyclette. Je les aime ces machines. Elles ne nous portent pas bêtement. Elles ne font que prolonger nos membres et qu'épanouir notre force..."

Jules ROMAINS

Après un 200 vers le nord au mois de février, me voici roulant vers le sud par ce mardi 2 mars 2021, avec un but : partir au Loing.


Et j'y suis bien arrivé par une belle journée ensoleillée !

Départ à l'aube alors que le jour n'est pas encore levé et bien vite la journée prend une allure printanière ! Même les premières jonquilles sont là. Le vent est faible et il en sera ainsi toute la journée. Quel plaisir de "cycler"...

Le circuit que j'ai tracé ressemble beaucoup au premier 200 que Laurence parcourut en ma compagnie voici quelques années vers le sud de la Seine et Marne. C'est un circuit sans grosse difficulté qui me conduit d'abord vers Donnemarie Dontilly.

C'est une petite ville que j'évite d'habitude tant son plan me parut souvent labyrinthique, je ne compte pas le nombre de fois où je me suis perdu ici, m'engageant sur des itinéraires qui me reconduisaient à mon point de départ, quand ce n'était pas  pour me retrouver dans des directions opposées à celles souhaitées. Quand je l'aborde selon un axe ouest-est ou est-ouest, cela va encore mais dans le sens nord-sur, mais surtout sud-nord, c'est à chaque fois plus problématique.

Je me souviens d'une nuit de juin 2010 où nous avions erré, Pascal et moi, dans cette ville déserte au retour d'une randonnée de 400 kilomètres. 

Voici d'ailleurs ce que j'écrivais à ce propos sur mon blog d'alors : 

"(...) Après une pause de plus d'une heure, nous avons repris des forces, le vent est tombé mais nous savons que nous allons passer la plus grande partie de la nuit sur le vélo. Le terrain est accidenté mais la nuit est belle et le retour à La Ferté Gaucher se fait tranquillement, à part la traversée de Donemarie Dontilly qui fut comme il y a 8 ans un vrai casse-tête (Essayez de suivre des panneaux "Toutes directions" qui mènent partout sauf là où vous voulez aller, à 1 h du mat', dans une ville sans éclairage public...)"

Randonnée Raboliot 2010

Huit ans plus tôt, en 2002, sur le même tracé qu'en 2010, en sortant du cimetière à l'entrée de la ville où avions rempli nos gourdes vides, nous avions été accueilli par un riverain qui braquait sur nous sa lampe torche, nous ayant pris pour des pilleurs de tombes... 

Mais aujourd'hui en ce petit matin, la traversée s'est déroulée comme sur des roulettes.

Ensuite la route à travers la forêt est jolie qui mène à la vallée de la Seine nous menant au sanctuaire Notre Dame du Chêne dans la forêt de Preuilly.
L'histoire de ce lieu de pélerinage mérite d'être contée. En effet, la statue de la Vierge se trouvait à l'origine au XVème siècle dans l'abbaye cistercienne de Preuilly toute proche.
Au XVIIème siècle, la dévotion à la Vierge Marie y était telle qu'il fut décidé de transférer le sanctuaire dans la forêt proche pour préserver le calme des moines de l'abbaye. Le pélerinage et la procession se déroulent toujours aujourd'hui à la fin du mois de septembre.
Le domaine est privé mais il se peut se visiter et un concert de musique classique y est organisé dans le cadre du FESTIVAL INVENTIO - Programme 2021, un festival de musique qui se déroule essentiellement dans des sites originaux de la campagne seine-et-marnaise et qui donne à voir et à écouter, de jeunes talents. Nous avions ainsi assisté en septembre 2020 à un concert Beethoven de haute tenue. Nous y retournerons certainement le 25 septembre 2021.
Mais pour l'instant je dois filer vers la Seine.
Je la franchis comme souvent au village de La Tombe et continue vers l'Yonne.
Je m'arrête quelques instants face au château de Misy sur Yonne.
Puis je franchis l'Yonne.
Et je quitte la Seine et Marne pour le département de l'Yonne où je vais rouler quelques kilomètres seulement.
Ensuite je prends les routes tranquilles qui me mènent de Villeneuve le Guyard à Montmachoux, 
de Montmachoux à Voulx.
De Voulx à Lorrez le Bocage où je reviens en Seine et Marne.
Encore un beau château et j'ai toujours la socquette légère même si je ne porte pas de socquettes... mais des grosses chaussettes bien chaudes qui me furent bien utiles au départ le jour pas encore levé.
Après avoir traversé Egreville et Bransles, me voici dans le département du Loiret. Un panneau m'indique que la route est barrée à quelques kilomètres de Bransles en direction de Ferrières en Gatinais. je continue malgré tout dans cette direction car c'est après cette petite ville que je compte voir le Loing de... près.
J'ai bien fait de suivre mon intuition car s'il y a des travaux dans le centre de la petite cité, je peux continuer ma randonnée sans anicroches.
Je prends même le temps d'une pause touristique dans cette jolie petite ville, où je ne suis jamais venu, qui mériterait certainement une visite plus approfondie.
Après avoir emprunté quelques hectomètres durant l'ancienne Nationale 7, me voici arrivé au Loing...
Je continue jusqu'au village de Nargis où ma route doit croiser le canal du Loing.
De Saint Mammès à Montargis, le chemin de halage de ce canal accueille un tronçon de l'Euro-Vélo 3 "La Scandibérique.
Il est presque midi et je choisis de m'arrêter ici pour mon pique-nique. Les 100 kilomètres sont dépassés à mon compteur.
Le canal a été vidé presqu'entièrementde son eau car il y a des travaux sur l'écluse voisine.
Je reprends la route sur une belle piste cyclable bitumée. Hélas cela ne dure pas !
 En effet, de retour en Seine et Marne, je trouve une affreuse piste gravillonnée... Vais-je continuer ainsi jusqu'à Nemours, distant de plus de 10 kilomètres ?
Je préfère choisir le confort et la sécurité d'autant plus que je sais, pour l'avoir expérimenté, qu'aux abords de Moret sur Loing le chemin de halage (baptisé là aussi EV3) n'est pas praticable en vélo de route.
Je reviens donc sur la route ce qui me permet de revoir le joli village de Chateau Landon.
La route est calme et je prends même le temps de m'égarer quelque peu sur de petites routes environnantes. 
Heureusement ma carte IGN me remet sur un bon itinéraire qui me permet d'arriver tranquillement à Nemours. Je retrouve ici la civilisation automobile et je sais que j'en ai pour quelques kilomètres. Quel dommage que le tronçon de la Scandibérique ne soit pas bitumé entre Nemours et Saint Mammès !
Comme d'habitude, clic-clac, je prends le temps de photographier la belle cité de Moret au bord du Loing que le peintre Sisley peignit si bien voici quelques lustres.
A Saint Mammès, je m'arrête devant cette petite maison sans charme.

J'ai déjà évoqué ce lieu au fil d'un ancien billet mais j'y reviens plus longuement aujourd'hui :
"Ici, André LEDUCQ, champion cycliste, vainqueur du Tour de France en 1930 et 1932, exploita une boutique de cycles de 1930 à 1936."

En 1930, Dédé Leducq enleva le premier Tour de France par équipes nationales. Le patron du Tour, Henri Desgrange, ne voulant plus des "combines" des équipes de marques, choisit cette formule qui lui permettait de reprendre en main la course et les coureurs. Pour financer cette révolution, il créa également cette année-là la caravane publicitaire. Cela assura à la Grande Boucle un succès qui dura jusqu'aux années 1960 avant que les équipes extra-sportives ne reprennet la main.
L'équipe de France  des copains (les frères Magne, Charles Pélissier, Jules Merviel, Victor Fontan, Joseph Mauclair & Marcel Bidot) permit au populaire Leducq de ramener à Paris son premier maillot jaune.
Mais si je reviens sur ce sympathique champion, c'est que j'ai retrouvé un article de René BIERRE paru dans Match l'Intran avant le Tour 1932. Article qui me revint en mémoire au long du Loing.
« II est au bateau-lavoir», a-t-on répondu à la question que nous avions posée pour savoir où se trouvait André Leducq, au repos à Saint-Mammès, près de  Moret.

« Il est à la rame! », nous répondit le mana­ger Roger Graille, solidement campé sur une passerelle en équilibre instable.

André Leducq, concurrent du Tour de France, était à la rame en effet. Avant le départ, il avait eu des démêlés avec le moteur de son canot, des discussions avec Bisseron sur la nature de la panne et avait décidé de ramener le youyou à son port d'attache et à grands coups de pelle. Et il avait commencé la tâche quand une idée lui vint qui devait être la solution du problème posé. Il examina une bougie et eut tôt fait de retrouver l'étin­celle. Le canot redevint automobile. André Leducq et son beau-frère, puis Roger Bisseron venu le matin pour la pêche, mirent pied à terre.

« Alors, on se repose vraiment,  Leducq ?

-  Oui et jusqu'à lundi prochain. On ne peut pas être mieux qu'ici pour se reposer. C'est  le  sommeil  tranquille,  la  pêche ;  j'ai des copains : l'éclusier,  le garde champêtre, tout le village, je crois bien. Et quand on a fini de se reposer, on mange.

-  J'ai les crocs ! » interrompt Bisseron. 

Mme Leducq est venue — à bicyclette — rappeler l'heure du déjeuner. L'on atteint la petite maison dans la rue tranquille. La salle à manger fraîche ; la grosse palme bien dorée, trop dorée, compliquée d'un ruban large, trop large, et tricolore, qui porte la date du souvenir : le Bol d'Or de Béziers, en 1931. Dans un coin, un poste de T. S. F.

« II ne marche pas, dit Leducq. Il faut qu'on l'arrange pour que ma belle-mère et mes beaux-frères et belles-sœurs — tout est beau dans la famille — entendent les parleurs pendant le Tour. Premier : Leducq avec trois quarts d'heure d'avance...

-  Mais Leducq doit avoir sa petite chance, tout de même?

- Ecoutez, oui, peut-être. Je vais cepen­dant  attaquer  le  sixième  Tour  de   France. Ça  n'allait pas très  fort l'an dernier.  Mais j'ai  l'impression  que  la forme  revient.  Elle y a mis le temps. Mais elle revient. Je pensais bien que je ne resterais pas loqueteux comme cela a pu m'arriver. Mais c'est ma course de dimanche   dans   Paris-Belfort,   qui   m'a   fait comprendre.  J'ai coincé un peu  sur la fin, mais j'en avais fait une bonne partie. Et je ne tiens pas à être en pleine forme au départ. On a le temps de s'y mettre.

-   Alors,  confiance?...

-  Eh bien, oui ! répond Leducq après une légère hésitation. Ça n'est pas de la blague.

André écoute La TSF et songe qu'il sera bientôt écouté.

Délicate attention, on est venu jouer à André Leducq, sur le pas de sa porte, la « Chanson du Tour ».

Je me sens bien, très bien,  et j'espère. Et M. Feuillet m'a trouvé bien, lui aussi.

 - Et l'équipe  vous  plaît ?

-  Mais oui, tout le monde marche quand il le faut. Celui que je connais le moins, c'est Barthélémy. J'ai couru avec lui, mais je ne le connais guère. On n'a pas fait de présenta­tions sur la route. On me dit qu'il est fort. Il faut l'être.

-  Et les cols ?

-  On   les   montera   aussi   vite   que   l'on pourra. Ceux qui sont allés leur rendre visite y sont restés le moins possible. Ils ont tous grimpé   l'Aubisque   dans   des   temps-record. C'est épatant. Qu'est-ce que nous allons deve­nir avec des zèbres pareils, si on ne les calme pas  d'ici-là !

—  Ecoutez.   Leducq   :   lorsqu'on   cherche le gagnant d'une course hippique, on fait le papier. On examine toutes les performances dans les grandes épreuves et on fait sa déduc­tion. Ça ne colle pas toujours ; mais c'est un procédé qui  repose sur  quelque  chose.  Le papier   est   formel.   L'examen   des   résultats des tours précédents, étape par étape, donne deux favoris : Leducq et Demuysère, et pour les individuels :   Nicolas   Frantz   et   Benoît Faure. On ne peut sortir de là.

—  Ce  serait  bien  le tour de Demuysère. Je n'ai pas encore rêvé que je gagnais le Tour de 1932. Je rêve pourtant. J'ai été toute la nuit en bagarre avec Jean Bidot. Une drôle de partie  de cache-cache. Si  j'ai le temps, j'irai voir une liseuse dans le marc de café... »

Dans la rue peu large, une camionnette luxueuse est entrée, et le haut-parleur qu'elle porte sur son toit nous vaut, une fois de plus, la dernière peut-être, la chanson du Tour de France de 1931. On croirait à une mise en scène bien réglée. Notre voiture a simple­ment guidé la camionnette dont le conduc­teur a voulu faire une surprise à Leducq.

« C'est déjà le Tour, dit ce dernier. On s'y prend d'avance, mais la chanson est en retard. Dans huit jours, ça va être une autre musique. On rigolera moins... *

Et Leducq règle les derniers détails d'une pêche qui, ce soir, au crépuscule, sera mira­culeuse.

« Pas besoin de bouteilles avec du carbure de calcium. Rien dans les mains, rien dans les poches. On prend les barbillons à la loyale...

—  Et  la  semaine  prochaine  des  sardines de Nantes », fait Bisseron.

Les roues tourneront, en effet, bientôt.

René Bierre.

André Leducq remporta le Tour de France 1932 devant l'Allemand Stöpel et l'Italien Camusso. Il y gagna 6 étapes dont trois en montagne ! On le voit sur ce cliché encouragé par son ancien équipier Antonin Magne qui gagna quant à lui les Tour de France 1931 & 1934 mais qui ne participa pas à ce Tour 1932.
Me voici arrivé à la confluence du Loing et de la Seine, j'y fais ma dernière pause avant de parcourir les soixante et quelques kilomètres qui me feront traverser la Brie pour revenir chez moi après une jolie randonnée de 221 kilomètres.
Espérons que je ne sois pas contraint de parcourir dumois d'avril sur mon home-trainer...

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