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Mon 200 du mois d'avril : Poisson d'avril ? Troisième partie

Après avoir révisé la fable "Le Loup et l'Agneau", me voici en route vers la vallée de la Marne, suivant toujours le cours du Surmelin. Arrivé à Crézancy, je me souviens que près du lycée agricole , nous avions dépanné voici quelques années un cyclo qui avait cassé sa chaîne lors d'un BRM 200. Heureusement, l'ami Yves possédait un dérive-chaîne dans sa sacoche. Il attendait depuis un certain temps qu'un des nombreux concurrents lui vienne en aide mais aucun, depuis une demi-heure au moins, ne possédait l'outil qui aurait pu l'aider. Les cyclos voyagent léger de nos jours, tout juste possède-t-on une chambre à air de rechange. Cela pourrait donner une fable avec une morale du genre : "Il faut toujours prévoir le pire...".  
Ici, je bifurque à droite pour suivre durant quelques hectomètres l'ancienne Route Nationale 3 et en arrivant à Moulins, je prends à gauche le chemin de Mézy.

L'église de ce petit village près de la ligne de chemin de fer Paris-Epernay est monumentale.

A proximité , ce n'est pas un lavoir qui sert à illustrer la fable "Le Loup et les Bergers", c'est un puits, ou pour être exact, des pans de murs autour du puits.

            "Un Loup rempli d'humanité
            (S'il en est de tels dans le monde)
            Fit un jour sur sa cruauté,
            Quoiqu'il ne l'exerçât que par nécessité,
            Une réflexion profonde. (...)"



Ainsi commence cette fable. Pour résumer, ce Loup, fatigué d'être haï de tous, est bien décidé à devenir... végétarien. Pourquoi pas ? J'entendais bien l'autre matin à la radio, un "Capitaine d'industrie" tenir un discours quasiment alter-mondialiste : réduction des hauts salaires, économie circulaire, production durable...etc...etc... Promesses d'ivrogne ?

Mais, car il y a toujours un MAIS :

"(...) Disant ces mots il vit des Bergers pour leur rôt        
Mangeants un agneau cuit en broche. (...)"

Que croyez-vous qu'il arrivât ?

"(...) Voilà ses gardiens
S'en repaissants eux et leurs chiens ;
Et moi le Loup, j'en ferai scrupule ?
Non, par tous les Dieux. Non. J'en serais ridicule(...)"
 Ainsi donc rien ne change et le morale est sauve ?



"(...) Bergers, bergers, le loup n'a tort
     Que quand il n'est pas le plus fort :
    Voulez-vous qu'il vive en ermite ?


Cette fable est à peine lisible. Le temps, et le manque d'entretien fait son oeuvre. Heureusement, ici l'illustration est taillée dans la pierre.
La Marne entre Mézy Moulins et Mont Saint Père

Il me faut rebrousser chemin, je ne franchirai pas la Marne ici.

Je prends le chemin de Fossoy, passant devant la ferme du ru Chailly qui servit de décor à "La paye des moissonneurs", tableau de Léon Lhermitte. Sujet plusieurs fois évoqué dans différents billets de mes blogs.
Au village de Fossoy, c'est une fable célèbre qui est illustrée :  
   "Travaillez, prenez de la peine(...)"
Encore un "tube de La Fontaine" ! Et j'avoue que celle-là me laisse... perplexe.
Le bon sens populaire, ainsi que l'idéologie libérale comme d'ailleurs le communisme "démocratique", ne peut qu'applaudir cet hymne au travail et à l'effort.  
 Mais le Père fut sage
  De leur montrer avant sa mort
  Que le travail est un trésor
.
Cette morale est plus facile à appliquer quand on est "Un riche laboureur". La fable serait moins convaincante, si le père était "un pauvre métallo".
Le travail, c'est peut-être le bonheur pour le cadre qui "téletravaille" depuis le bord de la piscine de sa résidence secondaire de Belle Ile en mer. Pas sûr qu'il en soit de même pour l'aide-soignante en EPAHD ou le livreur de pizza ! Surtout de nos jours...

Cette image me plaît beaucoup, si on la regarde au second degré... 
Ce qui me rend méfiant vis à vis de cette fable (et du travail ?), c'est la "valeur" première qu'elle induit : le mensonge ! Car le père ment à ses enfants, et ce n'est pas beau de mentir...

Cette version de la fable, bien plus marrante, mériterait d'être apprise dans toutes les bonnes écoles.
Pour ma part, j'avoue préférer la chanson d'Henri Salvador, paroles de Maurice Pon, que je dédie à tous les fainéants :
Le travail c'est la santé
Rien faire c'est la conserver
Les prisonniers du boulot
N'font pas de vieux os
Un peu de bonne humeur, diantre !
Me voici revenu sur la Nationale 3 pour 2  kilomètres seulement. Je roule jusqu'à Blesmes pour découvrir une fable beaucoup moins connue que la précédente. Une fable dans la veine "ANAR" de la Fontaine !

Celle-ci est courte, alors la voici dans son intégralité :

LE VIEILLARD ET L'ANE

(Livre VI – Fable 8)

Un Vieillard sur son Ane aperçut en passant
            Un pré plein d'herbe et fleurissant :
Il y lâche sa Bête, et le Grison (1)  se rue
            Au travers de l'herbe menue,
            Se vautrant, grattant, et frottant,
            Gambadant, chantant et broutant,
            Et faisant mainte  place nette.
            L'ennemi vient sur l'entrefaite.
            Fuyons, dit alors le Vieillard.
            Pourquoi ? répondit le  Paillard.
Me fera-t-on porter double bât, double charge ?
Non pas, dit le Vieillard, qui prit d'abord le large.
Et que m'importe donc, dit l'Ane, à qui je sois ?
            Sauvez-vous, et me laissez paître :
            Notre ennemi, c'est notre maître :
            Je vous le dis en bon françois.



Notre ennemi, c'est notre maître !
C'est envoyé, ça ! Pierre Desproges connaissait-il cette fable ?
C'est le coeur léger que je quitte la Nationale 3, il me faut continuer à repriser le Bas de l'Aisne pour visiter le plus grand nombre de fables. Une longue côte m'attend pour quitter le vallée de la Marne, rive gauche, je tourne le dos au vignoble de Champagne et mon braquet de 44x18, braquet unique je le rappelle, est difficile à enrouler même virtuellement... Mais j'arrive sans trop de peine sur le plateau entre Marne, Surmelin, Dhuys et Petit Morin. C'est un endroit rêver pour faire du vélo et même de la bicyclette.


A l'entrée du village de Courboin, se trouve le lavoir où est présentée la fable " Le Lion et l'Ane chassant", encore une que je ne connaissais pas.

"Le Roi des animaux se mit un jour en tête
       De giboyer. Il célébrait sa fête.(...)"

Il demande l'aide de l'Ane qui devait par ses cris affoler le gibier. Le résultat fut à la hauteur de l'attente. L'Ane attendait du lion un compliment mais celui-ci se moque de lui.


"(...)L'Âne, s'il eût osé, se fût mis en colère,
Encor qu'on le raillât avec juste raison :
Car qui pourrait souffrir un Âne fanfaron ?
               Ce n'est pas là leur caractère."



Je passe devant la mairie de ce tranquille village où mène la "BUVETTE" est fermée : tout fout le camp ! 


J'emprunte maintenant une route que j'adore : la D86 qui mène à Viffort. Ces 5 kilomètres sont un pur bonheur pour le cycliste. En légère descente d'abord, la pente s'accentue légèrement pour arriver au village de Viffort où il n'est point question de fables mais où il subsiste un bistrot- épicerie-bureau de tabac. 
Sur cette route, je fredonne toujours cette chanson :
 "...Quel est cet empaffé qui tord
La rue qui paraissait si droite ?..."
Pauvre Lélian,  Allain Leprest.
Il me faut prendre à gauche pour gagner Fontenelle en Brie. 


Je pourrais y aller en empruntant la D1, route de Montmirail à Château Thierry se prolongeant vers Soissons, mais je préfère prendre des chemins vicinaux comme je les aime.

A Fontenelle, c'est encore un classique de La Fontaine qui est présentée :

"Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
            Six forts chevaux tiraient un Coche. (...)

L'histoire est connue de cette mouche qui prétend faire grand travail, seule bien sûr, pour faire avancer ces chevaux fatigués.


Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
            S'introduisent dans les affaires :
            Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.


Dans les semaines qui viennent nous allons en voir et en entendre quantité des mouches : ne les écoutons pas si nous ne pouvons les chasser.
A peine quelques coups de pédale plus loin et me voilà à Rozoy Bellevalle.
Face à l'église, dans le château de ce village, vécut le comte de la Vaulx, un pionnier de l'aviation et plus particulièrement de ballons dirigeables. Il est d'ailleurs enterré dans le cimetière du village.

Le comte de La Vaulx aurait sans doute apprécié la fable mise en valeur dans son village.
"Rien ne sert de courir ; il faut partir à point."
Voici encore un classique de M. de La Fontaine, illustré de belle façon sur ce buvard à la gloire des biscottes Gringoire (fabriquées à Pithiviers).
 Même les philatélistes eurent droit aux fables !

Cela me permet de revenir sur l'usage commercial et publicitaire qui fut fait des fables  depuis le XIXème siècle.
Ainsi dans les années 1950 (à vérifier ?), le chocolat Menier introduisit dans ses produits ( tablettes de chocolat, boîtes de boisson chocolaté...) des images à collectionner représentant les fables de La Fontaine.

On pouvait les collectionner, en les conservant dans une boîte, en les collant sur un cahier...
Mais l'idéal était de les réunir dans un "luxueux album" !

Si je n'ai pas eu le plaisir de collectionner les images Menier, je crois que mon addiction au chocolat vient des images du chocolat Poulain que je collectionnais enfant. Je me souviens d'un album de chansons de France illustré de petites images rectangulaires ainsi que d'albums où je collais des photos autour d'un thème : les animaux d'Afrique, les oiseaux de nos régions les fleurs de nos campagnes... 
Ma maman étant une fidèle cliente, et sociétaire, du magasin COOP de mon village, j'ai aussi mémoire d'un album qui s'intitulait, crois-je me souvenir, "Images du monde". Pour réunir toutes les images, j'ai avalé quantité de tablettes de chocolat COOP, au lait, c'est celui que j'ai toujours préféré.  
A Rozoy Bellevalle, je peux m'asseoir quelques instants pour me reposer et saliver en pensant à une bonne tablette de chocolat : Lindt - Excellence - Au lait, c'est parfait pour moi... Pour l'heure, je me contenterai de quelques pâtes de coing fabriquées maison et de petites madeleines. La prochaine sortie, je n'oublierai pas ma tablette de chocolat !
Par de petites routes toujours, je rejoins le village de la Chapelle sur Chézy, peint ici sous la neige par M. Bellan.
Le village a peu changé en une soixantaine d'années.
Hormis cet aménagement que l'on trouve rarement, très rarement même, depuis que les communes installent ces écluses pour ralentir la vitesse des véhicules et qui souvent mettent en danger les cyclistes : un passage réservé pour les deux-roues en bordure du trottoir. A chaque fois que je traverse ce village, j'ai envie de crier : "BRAVO, monsieur (ou Madame) le Maire !"
Encore un buvard, encore des biscottes et encore une fable dans la mare du village de La Chapelle.
Celle-là non plus, je ne na la connaissais point. 
Un Lièvre est mort de trouille...


"Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
Les gens de naturel peureux
            Sont, disait-il, bien malheureux (...)"


Ce pleutre passant près d'une mare, les grenouilles se jettent à l'eau. Auraient-elles peur de lui ?
 

"Comment ! des animaux qui tremblent devant moi 
Je suis donc un foudre de guerre ?
Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre,
Qui ne puise trouver un plus poltron que soi."
 

Chez Esope, la fable est un peu différente et la morale est plus... humaine encore :
"les malheureux sont consolés par les maux plus graves des autres."

Je descends à toute "berzingue" vers la vallée de la Marne, il me faut même freiner pour ralentir mon Fixie, et le village de Chézy/Marne sous la neige du peintre. J'y retrouve une fable plus connue. Au bord du Dolloir, deux sculptures représentent une Grenouille et un Boeuf : le Boeuf est rouge, la Grenouille verte.


Une Grenouille vit un Bœuf
    Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
               Pour égaler l'animal en grosseur,
          Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ?
Vous n'en approchez point. La chétive Pécore
               S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages:
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
        Tout petit prince a des ambassadeurs,
              Tout marquis veut avoir des pages.

Elle n'est pas longue celle-là et il n'y a rien à ajouter. Chacun d'entre nous croisa au moins une fois une "Grenouille". Quant aux gros boeufs...
Mais il me faut continuer mon chemin vers Château Thierry où m'attend monsieur de La Fontaine en personne. Il me faut emprunter une route habituellement fort fréquentée et fort défoncée, je dois zigzaguer entre les trous... Le revêtement est désagréable au rouler. Une route pleine de "Aisne" pour le pauvre cycliste qui s'y aventure. Je traverse le village de Nogentel, pas de fable ici, je rejoins la D1 que j'ai déjà croisée aujourd'hui et je roule sur la piste cyclable (obligatoire bien qu'elle soit défoncée et souvent encombrée de voitures) pour arriver à Château Thierry et à la Marne.

Une fois le pont franchi, Jean de la Fontaine semble m'attendre. Mais ceci est une autre histoire.

Commentaires

  1. Bonjour et merci beaucoup pour cette promenade virtuelle... Et culturelle...

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