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Mon 200 du mois de décembre : Hommage à Jean NORET

Mardi 10 décembre 2019
Qui connait encore Jean Noret ?
Voici quelques jours, en feuilletant ma collection de Miroir du cyclisme, mon oeil a été attiré par la notice consacré à ce coureur cycliste dans l'encyclopédie "Le cyclisme de A à Z" présentée au dos du poster de Bernard Hinault dans le N° 248 d'avril 1978.

NORET Jean (France).—Né le 18 septembre 1909 à Sivry-Courtry (Seine-et-Marne).
Un coureur seine-et-marnais ! Cela pourrait être l'occasion d'une belle balade en hommage à ce cycliste aujourd'hui oublié. 

En approfondissant mes recherches (merci Wikipédia) j'ai noté deux contradictions :
La première, Jean Noret ne serait pas né le 18 septembre 1909, mais le 18 novembre.
La seconde, il ne serait pas né en Seine et Marne mais à la Chapelle Gauthier, département de l'Eure.
Me disant que Robert Descamps, l'auteur de l'encycmlopédie, ne s'était quand même pas trompé sur toute la ligne et connaissant bien le département de Seine et Marne, je me suis souvenu qu'il existe une commune du nom de la Chapelle Gauthier en Seine et Marne.
Acte de naissance de Jean NORET
 En effectuant une nouvelle recherche sur un site de généalogie et aux archives de Seine et Marne, j'ai retrouvé l'acte de naissance de Jean Noret, fils de Zéphirin Noret, fermier, et de Marie Henry, fermière, qui est donc bien né en Seine et Marne, à la ferme de Grandvilliers sur la commune de La  Chapelle Gauthier en... Seine et Marne.
Dessin de Red Parue dans le "Miroir des Sports" n° 763 du 12 mai 1934
Le but de mon 200 du mois de décembre était trouvé : j'allais rendre hommage à Jean Noret et partir à la découverte de ce Bordeaux-Paris 1934 d'anthologie. 
Seul petit problème, pour tracer une randonnée vers La Chapelle Gauthier, j'en avais pour une centaine de kilomètres.  Il me faudrait broder beaucoup pour atteindre les 200 kilomètres souhaités.
J'aurais pu pousser jusqu'au lieu de décès de Jean Noret mais cela me menait dans les Yvelines où se trouve également la coopérative agricole (à Ablis) où il travailla sa carrière cycliste terminée. Ces destinations sont un peu trop lointaines pour une rando du mois de décembre.
Il m'est alors venu l'idée de chercher les lieux de naissance de ses parents.
 Son père, Zéphyrin Noret, naquit en 1867 à Griselles dans le Loiret. 

Sa mère, quant à elle, vit le jour à Chevry en Sereine dans le sud de la Seine et Marne. Griselles étant un peu trop lointain, je me suis donc rabattu sur le petit village de Chevry en Sereine : La Ferté Gaucher - Chevry en Sereine - La Chapelle Gauthier et retour, il me fallait tracer mon itinéraire autour de ces trois points.
 Il me fallait aussi choisir un jour où la météo soit convenable. J'ai donc pris la route le mardi 10 décembre juste après un épisode météorologique tempétueux et avant l'arrivée de la pluie mercredi, et j'ai bien choisi ! 
Lever du jour sur la centrale atomique de Nogent sur Seine


Départ de nuit (il fait encore nuit à 7H20 en ce moment...)  par une froide matinée. Le thermomètrre annonce une température aux alentours de 0°C et je crains un moment de trouver des routes verglacées mais si le givre recouvre à certains endroits la route point de glissade en perspective.
Vallée de la Seine entre Le Plessis Mériot et Hermé : le ciel est bleu, le soleil brille !
La circulation est modérée, il faut dire que j'ai choisi de petites routes pour aller vers la vallée de la Seine. Le vent s'est bien calmé par rapport aux jours précédents et j'arrive tranquillement à Nogent sur Seine avant de suivre le cours de la Seine que je franchis après Vimpelles pour prendre la direction de la vallée de l'Yonne. 
Traversée de la Seine


Ayant changé de direction, mon allure ralentit un peu : la faute au vent qui s'est levé et vient du sud, ainsi qu'à une route qui grimpe au sortir de la vallée de la Seine. 
Traversée de l'Yonne

Me voici passant Villeneuve la Guyard puis Montmachoux, avant d'arriver à Voulx où je prends la direction de Chéroy. 
L'arbre, le puits et mon vélo...

En effet, c'est entre ces deux villages qu'est née la mère de Jean Noret, à Villechasson, commune de Chevry en Sereine. 

Villechasson est un petit hameau d'une dizaine de maisons construites sans doute autour de l'ancien prieuré.
Il a un peu changé depuis le début du vingtième siècle.
Des granges semblent avoir été construites.
Granges dont le toit est en cours de rénovation.

Deux kilomètres plus loin, je fais une halte au village de Chevry en Sereine où je fais ma pause casse croûte. Il est en effet midi et mon compteur affiche 100 kilomètres depuis mon départ. 
Ce joli petit village du sud de la Seine et Marne possède une église monumentale.
 A la sortie du village un beau château mérite que je m'y arrête.
De longues allées bordées d'arbres y mènent.
 
Ici le temps semblent s'être arrêté et je m'attendrais presque à voir sortir un carrosse du parc du château.


Je gagne ensuite Lorrez le Bocage où je prends le chemin du retour par la D218 qui doit me mener à Moret sur Loing. Maintenant le vent me pousse et sur cette belle route j'avale rapidement les 18 kilomètres qui me ramènent vers le Loing et la Seine. 

Il me reste à gagner La Chapelle Gauthier où plus exactement la ferme de Grandvilliers située entre Les Ecrennes et Bréau. 
Je prends une petite route, bien défoncée, bien sale que je n'aurais pas empruntée en cette saison si je n'avais pas décidé de me rendre vers le lieu de naissance de Jean Noret. 


Car c'est ici, en 1909 que naquit le vainqueur du Bordeaux-Paris 1934. Les lieux ont peu changé d'aspect même si les vaches ont disparu.
La ferme appartenait sans doute au propriétaire du château situé à quelques hectomètres.
Aujourd'hui, je le distingue à peine dernière une haie d'épineux.
Combien de temps Jean Noret a-t-il vécu à Grandvilliers ? Est-il passé chaque jour devant ce château pour ce rendre à l'école communale de La Chapelle Gauthier ? Je ne le sais pas. Et peu importe en fait...
Aujourd'hui oublié, son nom reste inscrit au palmarès de d'une seule grande course, ce qui ne fait pas de lui un grand champion dont on se souvient encore comme les vainqueurs du Tour de France des années 1930 : Magne, Leducq, Speicher ou les frères Pélissier...
Bordeaux - Paris 1934 - Francis Pélisseir, sur le marchepied de sa voiture, s'apprête à ravitailler son "poulain" Noret
Francis Pélissier, justement, était le directeur sportif de Jean Noret en 1934. Surnommé le Sorcier de Bordeaux-Paris, course qu'il remporta 2 fois en 1922 & 1924, il y mena à la victoire en tant que directeur sportif Fernand Mithouard en 1933,  Ange Le Strat en 1948 et bien sûr Jean Noret en 1934. Ce dernier alors âgé de 25 ans était professionnel depuis 1933. En 1934, Francis Pélissier avait déjà mené Jean Noret à la victoire.
En effet, ce dernier gagna de belle manière Paris-Caen au mois d'avril. Au départ de Bordeaux-Paris quelques semaines plus tard, Jean Noret n'était donc pas un inconnu.

Le 10 mai, jeudi de l'Ascension 1934, L'AUTO, journal organisateur de la course, annonce en une à ses lecteurs que les participants du Derby de la route sont en chemin vers Paris. 
Une grande première a lieu cette année-là comme l'indique Raymond Huttier dans son article de Miroir de sports du 12 mai 1934 :

"Dans le domaine du sport cycliste, nous sommes encore loin d'avoir atteint les limites du merveilleux et de l'enthousiasme ! Le 40e Bordeaux-Paris, que nous venons de suivre, nous a donné les plus belles et les plus rares émotions que nous ayons eues depuis bien longtemps. La formule rénovée, haussée, magnifiée, avait une apparence chimérique. Lancer les coureurs derrière moto de Bordeaux jusqu'à Paris, c'était, pensait-on, une tentative follement audacieuse... On appréhendait les écroulements irréparables, on redoutait les phases catastrophiques. Mais non ! Tout se passa le mieux du monde, et, tout de suite, l'on put constater que le public, séduit par la netteté et la simplicité de la formule, faisait fête au Bordeaux-Paris avec entraînement de bout en bout. « Un assassinat ! » disaient les inquiets et les pessimistes. Mais non ! La course, peut-être, fut moins dure, moins déprimante que les autres années et, tout à l'heure, nous expliquerons pourquoi.(...)"
600 bornes derrière moto, voilà donc l'innovation !
Jusqu'en 1930, les participants avaient à leur côté d'autres cyclistes qui leur servaient d'entraîneurs sur tout ou partie du parcours. En 1931, l'organisation introduit l'entraînement par moto sur une partie du parcours seulement (depuis Orléans en 1931, Tours en 1932 et Poitiers en 1933). En 1934, les motos sont utilisées depuis Bordeaux donc. Ceci explique sans doute le faible nombre de participants.
En effet, ils ne sont que 11 coureurs à prendre le départ à Bordeaux ce jeudi 10 mai 1934.

Le départ à lieu à l'aube devant une foule de spectateurs !
Et tout de suite les hommes de Francis Pélissier ( Mithouard, Merviel et Noret) imposent un rythme échevelé. Je redonne la parole à Raymond Huttier :

(...)Un beau départ « à la Pélissier »

Une course telle que ce 40e Bordeaux-Paris ne peut guère se décrire autrement que sous la forme d'une relation chronologique. Il n'y a pas de tactique d'ensemble possible, pas d'enseignements généraux, mais une succession ininterrompue de faits rapides, mais violents. Si Noret n'avait pas dominé ses adversaires aussi largement, s'il n'avait pas, dès le début, pris un avantage aussi net, l'épreuve aurait été d'une animation considérable, et les coups de théâtre, les renversements de situation se seraient succédé sans aucun répit.

Deux méthodes, dans une pareille course, où chacun allait en plein inconnu, pouvaient se trouver opposées : celle de l'audace et celle de la temporisation.

Ai-je besoin de vous dire que ce n'est pas la seconde que choisit Francis Pélissier ? Le signal du départ venait à peine d'être donné que, dans un déboulé fantastique, les trois maillots vert amande se détachaient irrésistiblement. Cette envolée à 75 à l'heure, à laquelle nul ne s'attendait, eut pour effet de semer la déroute parmi les autres concurrents. Les Belges, Romain Gijssels, et surtout Bonduel et Van Rysselberghe, étouffés, asphyxiés, écoeurés par ce départ extrêmement rapide, parurent frappés de stupeur et, en quelques kilomètres, ils virent s'écrouler toutes leurs espérances. Seul Gijssels, qui est un grand champion, fit un beau retour vers le milieu de la journée, mais, finalement, il dut abandonner comme ses compatriotes. On eut ainsi, dans cette course réputée comme une épreuve de «résistance», un effondrement total des routiers belges, réputés comme étant particulièrement « résistants ».

Les cinq autres concurrents — tous des Français — furent un peu moins pris de vitesse, mais ils ne purent tout de même pas suivre le train d'enfer soutenu par les trois « Pélissier ». Le choix du braquet, sans nul doute, joua là un rôle considérable.

Aussi, après 30 kilomètres de course, nous pouvions noter que Mithouard, Merviel et Noret comptaient 1 minute d'avance sur Gabard, 1' 30 sur Moineau, 2 minutes sur Maréchal et Louviot, 3 minutes sur Level, les Belges étant plus loin encore. (...)
Et puis Jean Noret a continué tout seul après les défaillances de ses équipiers.
Passage de Noret à Amboise



Le changement de vélo est-il rendu nécessaire à cause d'un incident mécanique ou pour "changer de braquet" ? En effet les machines utilisées par les coureur ne sont munies que d'un seul pignon !
Le champion seine et marnais approche de Paris sans vraiment faiblir et devant une foule considérable.
Il peut savourer sa victoire.
C'est fini. Avec une attention paternelle, F. Pélissier (à g.) aide son poulain Noret à descendre de machine ; mais celui-ci parait très dispo.
Le classement est sans appel : Noret a dominé cette édition de Bordeaux-Paris ! Le deuxième est à plus de 18 minutes.


Classement
  1. Jean Noret, en 12 h. 29'27"
  2. Raymond Louviot, en 12 h. 48' 40"
  3. Moineau, en 13 h. 1' 20"
  4. Gabard. en 13 h. 38'
  5. Level, en 14 h. 20'
  6. Maréchal, en 14 h. 30'
Le lendemain le journal L'AUTO titre sur la moyenne record du jeune coureur.
Ses équipementiers purent faire leur publicité !


 Il eut même droit à un "spot" pour la Gomina...
Pellos, le dessinateur de Match l'Intran, tira même le portrait de Noret et de son directeur sportif.
Mais la gloire fut éphémère et jamais le coureur originaire de la Brie ne revint sous les halos des projecteurs. Il courut encore Bordeaux-Paris en 1935, 1936, 1937 & 1938 mais plus jamais il ne réussit à terminer l'épreuve.
Dessin de Pellos paru dans Match l'Intran avant le départ de Bordeaux-Paris 1935
Seul le Belge Edgard De Caluwé en 1935 réussit une moyenne supérieure à celle de Noret : 46,770KM/H.
En 1938, la course en vint à un mode d'entrainement derrière derny sur une partie seulement du parcours,  le nombre des concurrents augmenta et les vitesses moyennes devinrent plus raisonnables
Pour ma part, je continue ma route de retour pour inscrire 203 kilomètres à mon compteur à une moyenne un peu supérieure à 22KM/H, bien loin de 45 KM/H du champion auquel j'ai voulu rendre hommage. Mais moi, je n'avais pas de moto pour m'entrainer...

Commentaires

  1. Bonjour Jean-Pierre,
    Les planètes numériques sont donc enfin alignées pour que je puisse déposer un commentaire sur ton nouveau blog si, astucieusement finalement, appelé Vélos ... Vélo. Un titre qui aurait ravi René Fallet qui avait déclaré sa flamme pour la petite reine dans la collection "Idée fixe"!
    Tous les chemins mènent à Rome (même vêtu d'un maillot de marque Génial Lucifer ?), celui emprunté dans ce billet nous emmène en Seine-et-Marne ... à mon grand regret. Dans un mauvais esprit total, j'aurais tant aimé que ce brave Jean Noret soit natif de l'Eure !!!
    Je blague, bien sûr, tu administres ici la preuve, je l'ai souvent mentionnée, que le vélo peut être une formidable activité d'éveil. J'ai appris, dans mon enfance, beaucoup de choses à travers mes lectures des belles revues sépia d'antan.
    Tu tournes ici des pages d'une vieille France, tu écris un véritable documentaire sociologique en retournant sur les traces de Zéphirin et Marie, humbles fermiers seine-et-marnais.
    J'aimais beaucoup les portraits des "obscurs" du peloton, ces grands coursiers des équipes régionales du Tour. Il est des noms comme ça qui restent ancrés dans ma tête, Félix Lebuhotel, Hugo Anzile, Armand Audaire et désormais Jean Noret, un sacré coureur pour avoir remporté le Derby de la route, le regretté Bordeaux-Paris.
    Tu parviens même à nous rappeler la fameuse gomina, je me rappelle de la brillantine Roja Flore !
    Allez Jean-Pierre, tu es bien parti ! Ne te retourne pas ! Fonce, plume au vent (même défavorable) pour nous conter de belles histoires.
    Heureuse année 2020.
    Bien amicalement
    Jean-Michel

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