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Mon 200 du mois de janvier 2020 : Hommage à Lucien POTHIER, un pionnier du TOUR de FRANCE

Dans mon bureau, j'ai dégagé de la place afin d'y réaliser de petites expositions. Cela me permet de sortir de leurs boîtes les images et documents que je collectionne. Autant en profiter, n'est-ce pas ? 
Ainsi, afin de préparer ces expos, je me plonge avec délice dans mes vieilles revues sportives.
Ma petite EXPO - Janvier 2020
En ce début d'année, j'ai choisi d'afficher le vélo de la Belle époque : le temps des pionniers du vélo.

Ma petite EXPO - Janvier 2020
Je suis allé chercher ces documents  dans ma collection de "La vie au grand air" mais également dans mes "Miroir du cyclisme" et dans un cahier que la revue "Le cycle" consacra en 2003 aux vélos des vainqueurs du Tour de France.
Ma petite EXPO - Janvier 2020
J'ai commencé par choisir cette affiche des cycles "RUDGE - la Déesse" que j'ai installée dans un cadre. Pour le reste, je n'ai pu exposer qu'une vingtaine de documents, autant de documents consacrés à la piste qu'au cyclisme sur route, ce dernier étant sans doute moins populaire que le premier à l'époque si j'en crois les articles de presse. Bien entendu, je ne peux manquer d'afficher les pionniers du TOUR de FRANCE qui prit son envol en ce début du XXème siècle. 
C'est un deuxième poster du "Miroir du Cyclisme"  qui va m'entrainer sur les routes de l'Yonne pour mon 200 de ce mois de janvier 2020. Et ce poster m'a toujours intrigué...

Ma petite EXPO - Janvier 2020
En juin 1972, le Miroir du cyclisme publiait ce poster ainsi légendé :
Mais s'agit-il vraiment de l'arrivée du Premier TOUR ?
Tout d'abord, il y a une erreur dans la légende : Le dauphin de Maurice Garin ne se prénommait pas René, mais Lucien (René Pottier -avec 2 t- a remporté le Tour de France 1906 mais ne participa pas à la première édition du Tour de France). 
Mais cette erreur en cache sans doute une autre. 
"La Vie au Grand air" - 24 juillet 1903
Voici la photo de Maurice Garin à l'arrivée du TOUR 1903 parue dans la Vie au Grand Air : Il ne me semble pas que le coureur au bras croisés de la première photo soit Maurice Garin.
J'ai recherché dans les collections de l'agence Roger-Viollet et j'ai trouvé le cliché original. En voici la capture d'écran :
Il s'agirait donc d'une photo qu'Albert Harlingue a prise à l'arrivée de Bordeaux-Paris 1908, course remportée par Louis Trousselier, le deuxième étant le Belge Cyrille Van Hauwaert, bras croisés sur le cliché alors qu'Emile Georget , à la mine si triste , terminait troisième. 
Mais ceci n'est pas si grave, bien que cette photo illustre sur bien des sites, dont Wikipédia, le TOUR de FRANCE 1903. Ce cliché mérite sa place dans ma petite exposition.
Ma petite EXPO - Janvier 2020
En 1904, le numéro de "La vie au grand air" du 28 juillet affiche en une la carte de ce deuxième Tour (identique à celui de 1903) et une photo du vainqueur qui est encore Maurice Garin. Son dauphin est encore Lucien Pothier, surnommé "Le boucher de Sens". Par la suite, ce classement fut complètement modifié sur décision de l'Union Vélocipédique de France et ces deux coureurs disparurent du palmarès ainsi que les troisième et quatrième, j'y reviendrai dans un prochain billet...
Car en ce début d'année 2020, je souhaite m'intéresser à Lucien POTHIER, né le 15 janvier 1883 à Cuy (Yonne). Cuy, petit village poche de Sens qui fut donc la destination de mon "200 du mois de janvier" et l'occasion de rendre hommage au coureur icaunais.

Pour que ma sortie atteigne 200 kilomètres, j'ai rajouté un petit crochet par le lieu de naissance du père du coureur à Armeau, commune de la vallée de l'Yonne en amont de Sens et le compte y est... pour une jolie randonnée que j'ai parcourue le jeudi 16 janvier 2020, un jour après l'anniversaire de Lucien POTHIER.

Voici donc le parcours de ce nouvel épisode de mes Dodécaudax, c'est le vingt-neuvième mois de suite où j'ai réalisé au moins une sortie de plus de 200 kilomètres. Un rando orientée Nord-Sud et ce fut une bonne idée, le vent soufflant du sud ce jour-là.
Je pars à 6H40, sous une superbe demi-lune et un ciel étoilé dans le calme d'une belle fin de nuit. Les quarante premiers kilomètres furent identiques à ceux parcourus lors de "Mon 200 du mois de décembre 2019", direction Nogent sur Seine et sa centrale atomique.
Je la trouverai presque photogénique cette centrale...
A Nogent, je continue vers le sud quand le mois précédent j'avais obliqué vers l'ouest. Le soleil se lève sur les éoliennes qui sont si nombreuses en Champagne mais le vent, défavorable, est faible encore.
Je laisse donc la Seine derrière moi pour rouler vers la vallée de l'Yonne. Je vais emprunter pendant 80 kilomètres environ des routes que je découvre à travers la plaine de Champagne, le long de la vallée de la Vanne puis sur les coteaux du pays d'Othe.
Sur la façade d'un vieux bistrot depuis longtemps disparu, je continue ma sortie... énergétique ?
Je roule dans le département de l'Aube pour l'instant, la campagne est belle et j'avance avec entrain, m'arrêtant pour quelques clichés lorsque mon regard est attiré par ...


... un lion qui veille sur une vieille demeure.
Ou bien lorsque j'aperçois au bord de la route cette solide bâtisse, c'est l'abbaye de Vauluisant. Située sur la commune de Courgenay, à proximité de Villeneuve l'Archevêque entre Sens et Troyes, elle abrita de 1129 à 1791 un monastère cistercien.
On voit que derrière le portail et les deux tours que j'ai photographiés se cachait une construction imposante. J'utilise l'imparfait car à la Révolution cette abbaye devint un chantier de démolition et "des
éléments de l'abbaye sont dispersés dans tous les environs" (Cf Wikipédia). 

Toutefois cette carte postale ancienne montre que l'abbaye ne fut pas complètement ruinée.
Le pigeonnier semble également avoir survécu à la fureur révolutionnaire.
De plus, la famille aujourd'hui propriétaire a entrepris des travaux de restauration et une association organise des visites tous les dimanches d'avril à octobre. En voilà un joli but de sortie, non ?
Eglise de LAILLY (Yonne)
Comme toujours lors de mes pérégrinations cyclistes, une petite église m'oblige à un nouvel arrêt.
Mais aujourd'hui, il n'y a plus de bistrot où je pourrais faire ma pause de milieu de matinée.


J'arrive ensuite à proximité de Villeneuve l'Archevêque où je n'irai pas car après l'église de Molinons sur l'ancienne Route Nationale 60,  je  tourne à droite.
Maintenant je  suis le cours de la Vanne. Affluent de l'Yonne cette jolie petite rivière coule d'est en ouest durant une soixantaine de kilomètres depuis sa source dans le village de Fontvannes jusqu'à sa confluence avec l'Yonne à Sens.

Je roule toujours sur une petite route bien calme sur la rive gauche de la Vanne.
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, un aqueduc de 156 kilomètres fut construit pour alimenter en eau potable la ville de Paris. C'est ainsi que l'on aperçoit de temps en temps au long de cette vallée les arches d'un aqueduc.

Parfois l'aqueduc de la Vanne est souterrain mais l'eau coule sous terre pour rejoindre la capitale.
 J'arrive ensuite en pays d'Othe et le terrain est tout de suite plus vallonné, surtout quand au village des Bordes je m'égare pour un détour imprévu de 4 kilomètres... Quand on aime, on ne compte pas. Et si en plus cela permet de faire une belle photo... (mais elle était un peu raide cette bosse quand même !)
Revenu sur la bonne route, je fonce vers Dixmont (village qui porte bien son nom) pour prendre la direction d'Armeau et de la vallée de l'Yonne.
Mon passage dans le pays d'Othe ne fut pas très long mais je ressens comme à chaque fois un profond dépaysement. Une plus grande exploration sera nécessaire lors d'une prochaine randonnée.
Me voici au Petit Palteau...
... avant d'arriver au Grand Palteau.
P.A.L.T.E.A.U et non pas P.A.L.E.T.O.T, ce qui aurait expliqué facilement l'étymologie de ce nom : des tailleurs, des tisserands auraient vécu et travaillé ici. A moins que celui qui nomma ces hameaux ne fût "dysorthographique" (car on ne doit plus dire "nul en orthographe", le préfixe "DYS" évite d'être trop... abrupt, catégorique, "vieux con" en somme...), il n'y a sans doute aucun rapport avec le tissu ici.
Alors, il y a peut-être une explication géographique car ces villages se trouvent sur un petit PLATEAU qui domine la vallée de l'Yonne. Sans doute le géographe était-il dyslexique...
C'est ici, près du château de Palteau que naquit, le 9 mars 1953 à 8 heures du matin Jules Pothier, fils de Jules, manouvrier, et de Rose Solas. C'était le père de Lucien Pothier.

C'est une propriété privée qui abrite actuellement un centre équestre.
L'endroit est calme, reposant.
Les voisins ne sont pas bruyants.
Aussi est-ce ici, en face de cette petite chapelle que je décide d'avaler mon pique-nique. J'ai déjà parcouru 120 kilomètres, les plus difficiles sans doute, car je sais que dorénavant le vent va me pousser.
Je prends le temps de déguster un sandwich au pâté de canard, une part de quiche lorraine, quelques tomates cerises. Zut ! les bananes, où sont les bananes ? J'ai oublié les bananes ? Heureusement, j'ai des pâtes de coing et des madeleines.
Et puis je roule vers la vallée de l'Yonne et j'arrive au bord de cette belle rivière par une longue descente. Je passe sous la Nationale 6 et j'entre dans la cité médiévale de Villeneuve sur Yonne par la porte de Joigny.
Je découvre également près de cette porte ce qui ressemble à des douves qui devaient entourer la ville fortifiée.


Je traverse la ville du sud au nord pour franchir la porte de Sens.


Des cinq portes que comptaient la ville au Moyen-âge, il n'en subsiste donc que deux, très bien conservées d'ailleurs.
Mais je me rends compte que si je continue, je vais devoir rouler sur la N6 ce qui ne m'enchante guère.
Je préfère faire demi-tour pour franchir l'Yonne et rouler sur le rive gauche de la rivière sur une route que je connais bien pour l'avoir souvent parcourue lors de départ ou retour  de vacances cyclistes ou de Brevets de Randonneurs Mondiaux.
Mais je profite de mon passage dans cette jolie petite ville pour quelques clichés.
Je flâne également quelques instants au bord de l'Yonne.
Puis je passe sous le vieux pont avant de le franchir.
Je passe ainsi devant la "Pizzéria du Pont" où nous avions dîné en mai 2018, avec Hervé et Lionel, deux compères cyclistes, avant d'affronter une nuit très pluvieuse lors du BRM 400 qui nous fit passer après Villeneuve sur Yonne par Joigny, Gien et Montargis avant de rentrer à Noisiel. Aujourd'hui, la météo est vraiment plus clémente.
Le pont franchi, je prends la direction de Sens. La route est assez fréquentée ce qui me change des chemins empruntés depuis mon départ à l'aube. Si les éclairages de mon vélo fonctionnent en continu (Vive le moyeu dynamo !), je rallume mon feu de jour clignotant, celui qui "pète"... Là personne ne pourra dire : "Oh ! je l'avais pas vu..." Le vent me pousse et je m'arrête pour quitter un maillot : il ferait presque chaud... en cette mi-janvier.
Rapidement, je parcours les 15 kilomètres séparant Villeneuve de Sens où je vais faire une nouvelle halte touristique. Car si je suis souvent passé dans cette ville (à vélo ou en voiture), je crois bien n'y avoir jamais fait halte. Et pourtant cela vaut le détour.
Je découvre tout d'abord le monumental hôtel de ville.
Puis je peux admirer le marché couvert qui fait face à la splendide cathédrale Saint Etienne.
Sa construction commencée vers 1130, s'échelonna tout au long du Moyen-âge.
Au milieu du portail central trône une superbe statue de saint Etienne.
En 1793, les tête des statues furent détruites par des "iconoclastes révolutionnaires". Saint Etienne sauva la sienne grâce à un "patriote" qui le coiffa d'un bonnet phrygien si l'on en croit la petite histoire...
Et en effet, on peut constater que la plupart des statues ont été décapitées.
Si certains saints n'ont pas perdu la tête, est-ce parce qu'elles étaient inaccessibles ou bien parce qu'elles ont été reconstruites ?
Je n'ai pas le temps de chercher une réponse sur place, car il file le temps et je suis pas encore rentré... Il est 14H30 et il me reste 80 bornes à parcourir. J"espérais rentrer avant la nuit...
Surtout qu'il me reste encore à faire étape dans le village natal de Lucien Pothier.
A 6 kilomètres de Sens m'y voici (et malgré les 135 kilomètres que je viens de parcourir je ne suis pas... CUY du tout... (Rires dans la salle !)
J'arrive au centre du village.

Même s'il y a moins de monde sur cette carte postale ancienne, il a peu changé finalement.

La place porte le nom du champion local.
Une nouvelle mairie a été reconstruite à quelques dizaines de mètres.
Mais c'est ici que se marièrent le 8 septembre 1881, Jules Pothier, agriculteur originaire d'Armeau, et Théodoline Verrot, sans profession, domiciliée en cette commune de Cuy.
Acte de naissance de Lucien Jules Pothier

Le 15 janvier 1883, à 5 heures du soir, Jules Pothier déclare en mairie la naissance de son fils Lucien Jules né à 10 heures du matin. Le père est maintenant surveillant à la prison de Sens.
Peut-être fut-il baptisé dans l'église Saint Martin située entre l'ancienne et la nouvelle mairie.
Lucien Pothier grandit sans doute dans cette commune de Cuy. Un doute est permis toutefois car si les actes d'état civil attestent de la naissance de sa soeur Lucie Marguerite à Cuy le 28 mars 1884, je n'ai pas trouvé trace d'un autre frère ou d'une autre soeur né dans la commune avant la naissance d'un petit frère, Léon Louis, le 26 mai 1900. Durant cet intervalle n'y eut-il pas de nouveaux enfants dans la famille Pothier ? Ou bien la famille élit-elle domicile dans une autre commune ? Mystère.
En tout cas, en 1903, Lucien Pothier habitait toujours à Cuy comme en atteste l'annonce de son inscription au premier Tour de France de l'histoire dans le journal "L'AUTO" du 7 juin 1903.
"L'AUTO" - 7 juin 1903
Il y eut 75 inscrits à  ce premier Tour de France et 60 coureurs prirent le départ le mercredi 1er juillet 1903, parmi eux bien sûr Lucien Pothier.
On connait le tracé des six étapes de ce Tour de France. Et le mercredi 1er juillet 1903, les concurrents s'élancent de l'auberge du "Réveil-matin" à Montgeron pour environ 3 semaines - pas 3 semaines de courses car entre chaque étape, les coureurs bénéficiaient de journées de repos. 
Pas question de reprendre ici le récit épique de la première édition du TOUR. Simplement tenter de suivre la course du "Boucher de SENS" comme fut surnommé notre héros.
Si le coureur Senonnais ne réalisa pas d'exploits durant la course au contraire de Maurice GARIN (le vainqueur final) ou d'Hippolyte AUCOUTURIER, il marqua ce TOUR de FRANCE par sa régularité. Qu'on en juge :
- 14ème de la première étape PARIS - LYON (467 km), il termine à près de 3 H de GARIN ;
- 6ème de la deuxième étape LYON - MARSEILLE (374 km) dans le même temps que GARIN mais loin du vainqueur AUCOUTURIER (qui ne court plus pour le classement général ayant abandonné durant la première étape) ;
- 5ème de la troisième étape MARSEILLE - TOULOUSE (423 km) où il termine encore dans le groupe du leader de la course GARIN ;
- 7ème de la quatrième étape TOULOUSE - BORDEAUX (268 km), décidément il ne quitte plus Maurice Garin ;


- 3ème de la cinquième étape BORDEAUX - NANTES (425 km) où il dispute cette fois la victoire d'étape à GARIN (toujours lui) et à PASQUIER ;
 - 5ème de la 6ème étape NANTES - PARIS (471 km) .


Cette régularité est d'ailleurs attestée par sa progression au classement général tout au long des étapes.
Publicité parue dans "L'AUTO" du 21 juillet 1903

On le constate, POTHIER a réalisé un TOUR dans l'ombre de GARIN -les deux cyclistes courent pour les cycles "La Française"- ceci expliquent peut-être cela. 
Classement paru dans "L'AUTO" du 20 juillet 1903
Ce tableau qui rend reprend les temps des 21 coureurs ayant terminé le TOUR de FRANCE 1903  montre que GARIN avait course gagnée dès l'arrivée à LYON.
Dans les numéros que "L'AUTO" consacra au TOUR de FRANCE 1903 (que j'ai feuilleté grâce à la Bibliothèque GALLICA de la BNF) on parle peu de Lucien POTHIER, hormis pour signaler ses passages aux différents contrôles. Il semble donc qu'il ait réalisé une course sans histoire.
A la Une de "L'AUTO" du 20 juillet 1903
Dans le numéro du 20 juillet 1903, hommage lui est enfin rendu, par ce dessin tout d'abord (seuls les champions confirmés comme GARIN ou AUCOUTURIER y avaient eu droit jusqu'alors). Le jeune coureur de 20 ans vient d'entrer dans la cour des grands...
Extrait de "Conclusion" article de Géo LEFEVRE paru à la une de "L'AUTO" du 20 juillet 1903
Etre comparé aux grands champions JACQUELIN et HURET, quel plus bel hommage pouvait rendre Géo LEFEVRE au coureur de l'Yonne. L'Yonne justement dont de nombreux habitants vinrent rendre hommage à leur enfant au Parc des Princes.
Bien sûr Jules POTHIER vint féliciter son fils à Paris - on ne parle pas de sa maman Théodoline ?
Cette photo, parue dans "La Vie au grand air" du 24 juillet 1903, nous montre Lucien Pothier à l'arrivée du Tour de France. Son torse est ceint de la fameuse écharpe tricolore offerte par le Vélo-sport de Sens et sans doute est-ce son père Jules qui porte si fièrement le bouquet du dauphin de Maurice GARIN.
On peut remarquer sur cette photo le vélo qu'utilisait notre jeune champion en 1903.
Le CYCLE - Juillet 2003 / Ma petite EXPO - Janvier 2020

Comme Maurice Garin, Pothier courait sur une machine de marque "La Française" qui ressemblait donc à celle présentée dans "Le cycle" de juillet 2003
Sans frein, ! Seul le pignon fixe permettait à ce vélo de ralentir et de s'arrêter ! Cela signifie qu'il fallait parcourir des étapes de plus de 400 kilomètres sans arrêter de pédaler : Les amateurs de "fixies" apprécieront...
On remarque que les dents du pédalier étaient plus espacées que celles des plateaux actuels. 
Le 21 juillet, Pothier, Garin et Muller (quatrième du Tour 1903) sont fêtés à Sens ainsi que l'évoque "L'Auto" :


Garin, Pothier et Muller à Sens

Les deux héros du Tour de France, le vieux champion et la jeune révélation, Maurice Garin et Pothier, ont été hier l'objet d’une réception enthousiaste à Sens, ville natale de Pothier.
Ce dernier, prévenu que ses compatriotes allaient le recevoir en grande pompe, voulant associer son vainqueur et ami à son triomphe, l'avait prié de faire le voyage avec lui, priant également le brave Muller de les accompagner, Naturellement l'ami Delattre* était de la fête.
Voici du reste la dépêche que nous avons reçue à ce sujet de notre correspondant, :
Sens, 21 juillet.
La ville de Sens à fait un accueil extraordinaire à Pothier, Garin et Muller.
Banquet de cent couverts à l'hôtel de l'Ecu, une retraite aux flambeaux, l'harmonie municipale, une réception au Vélo Sport, sous la présidence de M, Fillot, rien n'a manqué à la fête.
Etaient présents au banquet :
MM. Filliot, président, Bailly et Cheurlin, présidents d'honneur, Davy, vice-président, docteur Bailly, Rouf, trésorier, Gallois, secrétaire, Barbin, Giraud, Vaudoix, Cauderet, Lobs, Rondeau,
Josserand, Pothier père, Perrault, Bonnand, Lombard, Pellerin, Rameau fils, Chavialle, Laboisse,
Rathier, Shébénaler pére et fils, agents dela Société La Française et correspondant de l'Auto et 60 membres du Vélo Sport de Sens,
J. Millet
* Delattre était le "manager" de Garin
Ainsi se termina donc le Tour de France 1903 pour le "petit boucher de Sens". Il me faut conclure en présentant un tableau des gains réalisés par les coureurs de ce Tour de France.
"L'AUTO" - 21 juillet 1903
Des 6000 et quelques francs que remporta Garin aux 96 francs des 3 derniers du classement général, il y a... 50 heures de plus passées sur les routes de France pour ces derniers, pas cher payés, le kilomètre ni l'heure de selle ! Aux 21 coureurs ayant accomplis le Tour de France de bout en bout s'ajoutent 7 concurrents malheureux comme Aucouturier ou Pagie qui durent abandonner.
En ce qui concerne Pothier, la somme qu'il remporte équivaudrait aujourd'hui à environ 10 000 € (si mon calcul est juste...). On peut sans doute y ajouter une prime des cyclies "La Française" plus quelques contrats publicitaires.
 Pour conclure ce voyage au temps jadis je reprendrai la dernière phrase de la chronique d'Henri Desgrange dans son journal "L'AUTO", "Avant la deuxième étape"
"(...) Et à mesure qu'ils couvriront les longues étapes du Tour de France et qu’ils se rapprocheront de Paris, ils sentiront pour les encourager un enthousiasme chaque jour grandissant et ils seront heureux et fiers de pouvoir dire plus tard qu'ils ont participé à la plus grande épreuve du sport cycliste."
Le  Tour de France 1903 est terminé, vive le Tour 1904 ? C'est une autre histoire, moins glorieuse pour nos héros de 1903 ! J'y reviendrai à l'occasion d'un prochain hommage.
"La Vie au grand air - 7 avril 1904
En 1904, Lucien Pothier termina troisième de PARIS - ROUBAIX (pour la première fois courue sans entraîneur) derrière Hippolyte Aucouturier et César Garin.
Et puis il fut suspendu à vie par l'Union Vélocipédique de France à la suite du Tour de France en novembre 1904, peine ramenée à 3 ans de suspension.
C'est d'ailleurs en novembre 1904 qu'il fut incorporé au 89ème régiment d'infanterie à Sens pour y effectuer son Service militaire.
Le registre matricule de Lucien Pothier nous apporte quelques informations sur sa personne. Ainsi nous apprenons qu'il mesure 1m65 et qu'il a les yeux gris clair. Il "possède le permis de conduire les automobiles" et il a déclaré la profession de cafetier. Il est libéré de ses obligations militaires le 12 juillet 1907. 

En août de cette même année, il est domicilié rue de Lyon à Sens. 
Et bien entendu, il reprend le vélo et participe encore au Tour de France, en 1907 et 1909, il abandonna rapidement mais on le retrouva classé 28ème en 1910, 20ème en 1911.
Rappelé par l'armée française dès le début de la Grande Guerre, il est "parti en renfort au Groupement cycliste de la 2ème division de cavalerie le 31 août 1914". Il fut blessé en juin 1915 d'un éclat d'obus au poignet en Lorraine. Il fut nommé caporal le 17 août 1916 puis sergent le 17 septembre 1916.
"Sous-officier brave et courageux, toujours près pour les missions périlleuses", Lucien Pothier, médaillé de la Croix de guerre, étoile de bronze, a survécu aux quatre années de la Grande boucherie avant d'être démobilisé le 1er mars 1919.
En 1921, ancien combattant mais pas encore ancien coureur, il terminait encore 32ème du Tour de France, il avait alors 38 ans.
L'année suivante il s'installait à Troyes, où il vécut de longues années derrière le zinc d'un bistrot qu'il avait appelé, bien sûr, "AU TOUR DE FRANCE". Il mourut en 1957 à Troyes et son corps repose au cimetière de son petit village de Cuy.
Un article du journal "L'Yonne républicaine" qui célébrait en 2017 les soixante ans de la disparition du champion icaunais
nous révèle qu'il continua longtemps à se rendre à vélo de Troyes à Cuy, empruntant certainement la Route Nationale 60 que j'ai moi-même parcourue au matin de cette chouette randonnée à proximité de Villeneuve l'Archevêque.
Car il me faut terminer cette balade qui m'a menée humblement dans la roue d'un pionnier du Tour de France, quittant sous le soleil la vallée de l'Yonne pour celle de la Seine. M'arrêtant pour un dernier ravitaillement à l'épicerie toute neuve du village de Sergines. Manquant me faire renverser par une automobiliste d'un certain âge, et même d'un âge certain... qui me coupa la route alors qu'elle allait faire le plein de son caddie à une enseigne de hard-discount. Sans doute ne m'avait-elle pas vu malgré mon phare avant allumé et mon gilet jaune... Bien sûr, elle ne pouvait pas voir mon phare clignotant arrière, celui qui"pète". Elle s'arrêta au milieu de la rue quand elle entendit mon cri. Je la doublai par la gauche de la route, lui fit un petit signe de la main auquel elle répondit de même. "Y'a pas de mal..." Le cycliste de 2020 vit dangereusement.
Arrivant à Provins au soleil presque couchant, je tentai de prendre un joli cliché des tours de la vieille cité des foires de Champagne que je traversai ensuite rapidement.
Parti à la nuit, je rentre à la nuit avec 216 kilomètres au compteur, je suis bien en-deça des distances parcourues par  Lucien Pothier et ses compagnons de route lors des  étapes de ce Tour des pionniers du vélo que je viens d'évoquer. Mais quelle belle journée de vélo j'ai vécu et quel plaisir j'ai éprouvé à suivre la trace du vieux-jeune champion.

Commentaires

  1. Merci beaucoup pour cette superbe rétrospective!
    As-tu envoyé une demande de correctif à Wikipedia:"Mais ceci n'est pas si grave, bien que cette photo illustre sur bien des sites, dont Wikipédia, le TOUR de FRANCE 1903".

    Jolie promenade aussi pour toi, et pour nous!
    A bientôt!!

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Jean-Pierre,
    Peux-tu me communiquer les jours d'ouverture de tes expositions?
    Je te taquine bien sûr mais je suis jaloux de ton petit musée personnel que j'ai eu la chance de visiter.
    Peut-être, y aura-t-il un jour une exposition consacrée à Jacques Anquetil? Je viendrai à l'inauguration!
    Ah cet amour du vélo! Cet après-midi, je vais regarder L'Étoile de Béssèges sur la chaîne L'Équipe.
    Bien amicalement
    Jean-Michel
    PS Rappelons-nous que Pothier, pas celui qui écrivit l'Internationale, passa en tête au sommet du Ballon d'Alsace, le premier col franchi dans le Tour de France

    RépondreSupprimer

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